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Évelyne Buissière (mars 2006)

II - L'Art et la Technique

L'art et la technique

Pour Heidegger, la technique n'est pas seulement pratique, elle est une façon de penser qui achève la métaphysique occidentale. La production pour la production manifeste la pensée comme volonté de puissance, comme emprise sur l'être. La technique n'est pas une simple conséquence de la science, elle en révèle la vraie nature. L'essence de la science réside dans « le projet mathématique de la nature. ». On projette un plan unique mathématisable dans lequel les phénomènes doivent rentrer pour faire partie de la nature. La science réalise une mise en forme du réel, elle « l'arrête et l'interpelle pour qu'il se présente chaque fois comme l'ensemble de ce qui cause et de ce qui est causé, c'est-à-dire dans les conséquences supervisables de causes données. ». La science laisse derrière elle la physis au profit d'une conception mathématisée du réel. Elle laisse lui échapper l'être de la nature que seule une pensée plus méditative et contemplative peut approcher.

« La position fondamentale des temps modernes est la technique. » affirme Heidegger. La technique est pour les Grecs une modalité de la production, c'est à l'origine un dévoilement : faire être un produit, le faire advenir. Dans la technique moderne, il y a une mutation « le dévoilement qui régit la technique moderne ne se déploie pas en une production au sens de poïésis. Le dévoilement qui régit la technique moderne est une provocation par laquelle la nature est mise en demeure de livrer une énergie qui comme telle puisse être extraite et accumulée. ». L'interrupteur électrique, qui fascinait Heidegger, fait venir la lumière, il somme la lumière de comparaître. La centrale électrique sur le Rhin met le fleuve en demeure de livrer sa force. « L'air est requis pour la fourniture d'azote, le sol pour celle de minerai, le minerai pour celle d'uranium par exemple, celui-ci pour l'énergie atomique, laquelle peut être libérée pour de fins de destruction ou pour une utilisation pacifique. ». L'essence de la technique est « arraisonnement ». Heidegger définit ainsi cette notion : « ainsi appelons nous le rassemblement de cette interpellation qui requiert l'homme, c'est-à-dire qui le provoque à dévoiler le réel comme fonds dans le mode du commettre. Ainsi appelons-nous le dévoilement qui régit l'essence de la technique et qui n'est lui-même rien de technique. ». La science qui met la nature en demeure de se montrer comme un complexe de forces calculables est d'essence technique. Le monde est comme un fond disponible dont il faut s'emparer. La technique est l'achèvement de la métaphysique dans son appropriation de l'étant. « L'arraisonnement nous masque l'éclat et la puissance de la vérité. » ( in, La Question de la technique.)

La pensée doit faire un saut pour sortir de la métaphysique qui est parvenue à son apogée avec la technique. L'art peut jouer un rôle salvateur en tant qu'il est pensée méditative et contemplative et non raison s'appropriant le réel par la puissance du concept et oubliant par son faire de laisser être l'être.