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Élodie Gaden (décembre 2005)

Qui ça ? ou Biographie succinte

Quelques repères dans le siècle

Maurice Rollinat est né en 1846 et mort en 1903. Il est donc de la génération de :

Il est aussi contemporain de Jules Laforgue, poète décadent bien connu, et qui eut une existence assez courte : 1860 - 1887. Les Complaintes, oeuvre majeure de ce poète, ont été publiées entre 1882 et 1883 soit en même temps que les Névroses de Rollinat.

Il est en revanche en décalage d'une génération des poètes qu'il admire :

Sa famille

Maurice Rollinat est né le 29 décembre 1846 à Châteauroux. Il est issu d'une vieille famille berrichonne originaire d'Argenton sur Creuse, une famille de notaires et d'avocats.

Son père, François Rollinat, était avocat. Sa mort brutale le 13 août 1867 fut un choc sentimental et nerveux pour Maurice.

Il était moins proche de sa mère, qui avait une conception rigide de la morale et de la religion contraire aux aspirations de Maurice. On peut à cet égard le rapprocher d'un certain nombre de poètes de cette époque dont Rimbaud, qui connaissent une rupture d'ordre générationnelle avec leurs parents et leur mère, symbolisant l'oppression, l'absence de liberté aussi bien morale, religieuse que poétique.

Le frère aîné de Maurice, Emile, quant à lui, se suicida à l'âge de 33 ans. Ces deux deuils (le frère et le père) choquèrent bien entendu Maurice et le firent côtoyer la mort de près, ce qui transparaît fortement dans sa poésie, soit comme des moments de confession de la fragilité de l'homme, soit comme un besoin de railler la mort et de s'en défaire par l'ironie.

Maurice Rollinat est toujours associé, dans les biographies qui lui sont consacrées, à Georges Sand, dont on croit - à tort - qu'elle était la marraine. En fait, elle était sa marraine de coeur, sa marraine littéraire... Elle était amie de son père, et entretint un rapport privilégié avec Maurice devenu poète. Elle ne cesse de lui conseiller de développer dans sa poésie le sentiment de la nature, plutôt que les angoisses qui traversent les futurs poèmes publiés dans les Névroses. Il lui envoie en effet ses poèmes pour obtenir des conseils de la grande dame.

1877 - Ses premiers écrits

Avant d'écrire les Névroses, oeuvre la plus connue - ou plutôt la moins oubliée - Maurice Rollinat publie, à compte d'auteur Dans les Brandes, en 1877.

"Brande" est un synonyme de "bruyère" ("bruyère des terrains incultes"). Cela paraît orienter le recueil vers une poésie rustique, proche de la nature, en complète opposition avec les ouvrages futurs, comme les Névroses ou l'Abîme. Pourtant, il me semble que cette première oeuvre est moins naïve que l'on peut le penser, et contient déjà en germe les éléments d'une poétique que Rollinat ne fera que développer ensuite, de façon plus libre, une poétique basée sur la morbidité et l'ironie grinçante.

De plus, Dans les Brandes est dédié à la mémoire de Georges Sand, morte un an plus tôt en 1876. Cela ne fait que trop souvent conforter cette interprétation un peu hâtive.

Mais ce premier recueil est un échec : les critiques ne sont pas bonnes voire absentes, et Rollinat connaît le mépris du public.

Marie Serrulaz

A cette période, lors d'un voyage à Saint Julien de Ratz, en Isère (chez le beau frère de M. Guymon, critique d'art, ami de G. Sand) il rencontre Marie Serrulaz, musicienne et écrivain, d'origine bourgeoise. Ils tombent amoureux l'un de l'autre, elle devient en quelque sorte son égérie.

Elle lui inspire, tout au long de leur relation, plusieurs poèmes dont "L'amante macabre" ou d'autres poèmes acrostiches (poèmes dont la première lettre de chaque vers forme le nom de "M-a-r-i-e-S-e-r-r-u-l-a-z").

Ils se fiancent et se marient à Lyon le 17 janvier 1878 : lui a 32 ans, elle 23. Après un voyage de noces en Italie, ils s'installent à Lyon dans la famille de Marie. Mais cette vie un peu trop sage en province ne correspond pas aux aspirations du poète qui connaissait déjà Paris. Il convainc Marie de quitter Lyon pour Paris, où ils s'installent, boulevard Saint Germain. Là, ils connaissent le bonheur conjugal pendant environ six mois, mais très vite, Maurice reprend ses activités noctambules.

1878 - Les Hydropathes

C'est à cette période, en 1878, qu'il fréquente les Hydropathes, cabaret fondé par Emile Goudeau. Après quelques mois, le cabaret, d'abord basé sur la rive gauche de la Seine à Paris, migre vers la rive droite, c'est-à-dire vers Montmartre, amorçant un mouvement qui se perpétuera ensuite avec d'autres cabarets comme le Chat Noir, qui s'implanteront à Montmartre et donneront à la butte son caractère festif.

Marie ne supporte pas cette vie et le quitte pour retourner à Lyon. Cela le plonge dans un réel désarroi : il ne trouve comme remède à sa détresse que le retour, seul, à Châteauroux, d'où il supplie la famille Serrulaz de lui rendre Marie.

Il passe quatre mois sans Marie puis elle lui annonce qu'elle va revenir, nouvelle qui lui inspire "La Ballade du retour". Pourtant, l'envie de succès et la nostalgie de la vie parisienne le font retourner à Paris. La vie avec Marie est définitivement terminée.

1881 - Le Chat Noir

De retour à Paris, il fréquente le salon de Nina de Villars, et fait partie du Chat Noir. Il commence alors à être apprécié des milieux littéraires. Sarah Bernhardt l'aide à se faire connaître puisque le 5 novembre 1882, elle le présente à quelques personnalités du Tout-Paris. Lors d'une séance au Chat Noir, il fait un tel triomphe qu'Albert Wolff parle de lui en première page du Figaro.

C'est le début d'un succès éphémère pour Maurice Rollinat : il fait la connaissance d'Oscar Wilde ; Victor Hugo le reçoit à dîner et parle à son propos d'une « beauté horrible ».

Barbey d'Aurevilly est celui qui l'encourage le plus, et qui voit en lui le nouveau Baudelaire capable peut-être de dépasser le maître : il lui consacre une chronique dans le Constitutionnel.

Pourtant, ce vif succès que connaît Rollinat dans les cabarets, en tant qu'homme de scène, ne lui assure pas le succès des Névroses : en effet, il y a un décalage entre le succès dans les cabarets - en 1881 et 1882 - et la publication de son recueil les Névroses en février 1883. Le milieu littéraire commence à connaître un certain agacement de la thématique de la névrose, un peu trop de mode alors. On lui préfère Paul Verlaine qui, de retour sur Paris, souhaite vivement reprendre sa place dans la vie littéaire.

A ce moment, Barbey d'Aurévilly consacre Rollinat comme l'égal de Baudelaire et Poe, ce qui augmente la rivalité avec Verlaine et suscite des attaques de ce dernier envers Rollinat.

1883 - Les Névroses

Le volume des Névroses est annoncé pour la première fois dans la Bibliothèque de la France du 10 mars 1883, puis publié à Paris dans la bibliothèque Charpentier de l'éditeur Georges Charpentier. Le livre est imprimé par la maison Chamerot, avec un portrait de Maurice Rollinat par F. Desmoulins. Sur la couverture figurent le titre et l'épigraphe suivante :

Putredini dixi : pater meus es ;
Mater mea et soror mea vermibus.
Job, chapitre 17, 14
Je dis à la pourriture : « c'est toi qui es mon père. » Et aux vers : « ma mère et ma soeur. »

Les Névroses sont tirées à plusieurs reprises : le 13 mars, le 7 avril, 6000 exemplaires en tout en mai 1885 ; en 1910, on en compte 10 000.

Mais, le succès est ambigu : il est moins important que celui escompté. Mais le peu de succès qu'il a fait augmenter les jalousies... Rollinat commence à devenir le petit maître copieur de Baudelaire dans les esprits des gens. C'est ce moment que choisit Rollinat pour partir brusquement de Paris : cela est perçu comme un aveu de culpabilité par les détracteurs du poète. Alors commence le début de l'exclusion du monde des lettres.

Ce retrait de la scène littéraire correspond à un retrait à Fresselines dans la Creuse. Là, il vit avec sa compagne Cécile Pouettre, connue au Chat Noir (son nom de scène est Mme de Gournay).

Bibliographie